LES OESTROGÈNES, NOUVEAU DANGER ENVIRONNEMENTAL ?
Par Brian Kohler, Représentant national ‑ santé, sécurité et environnement
Mars 1994
De récents rapports ont mis en évidence l'existence possible d'une contamination répandue de l'environnement par des composés qui perturbent le système endocrinien. Le système endocrinien est le réseau de glandes et d'organes qui maintient l'équilibre des hormones dans le corps humain. Les hormones sont des substances chimiques (habituellement, des protéines) qui sont produites par le corps et qui règlent un vaste éventail d'activités biologiques variant du métabolisme au développement du foetus. Le pouvoir des hormones et tel qu'une légère variation de leurs teneurs peut avoir un effet biologique considérable.
Certains scientifiques croient que nous avons inondé l'environnement de composés ressemblant aux oestrogènes. On s'inquiète particulièrement du fait, étonnant, que bon nombre de produits chimiques (dont certains ont une structure chimique ne ressemblant pas beaucoup à celle des oestrogènes naturels) exercent un effet semblable à celui des oestrogènes sur les animaux, y compris les humains. Dans certains cas, ces produits chimiques imitent des oestrogènes naturels dans le corps mais un effet analogue à celui des oestrogènes peut découler d'une perturbation de l'action ou de la production des oestrogènes naturels.
Les oestrogènes sont des hormones sexuelles féminines. Les oestrogènes naturels provoquent le développement sexuel chez la femelle et jouent un rôle essentiel relatif à la fécondité, à la grossesse et à la lactation. Toutefois, chez les individus des deux sexes (les mâles produisent eux aussi, de faibles quantités d'oestrogènes), la sécrétion excessive d'oestrogènes peut causer des malformations congénitales, un développement sexuel anormal, des troubles du système nerveux ou du système immunitaire et le cancer.
Depuis de nombreuses années, des oestrogènes de synthèse sont produits en grande quantité à des fins pharmaceutiques et contraceptives. Toutefois, le problème ne semble pas principalement attribuable à ceux‑ci. Les principaux perturbateurs hormonaux qu'on trouve dans l'environnement semblent être certains pesticides et les produits de leur dégradation ainsi que quelques autres produits chimiques industriels.
Les produits chimiques dont on connaît l'effet perturbateur sur le système endocrinien comprennent le DDT, le DEHP, le dicofol, l'hexachlorobenzène, (HCB), le celthane, le Képone, le lindane et le composés apparentés, le méthoxychlore, l'octachlorostyrène, les pyréthroïdes de synthèse, les herbicides à base de triiazine, les fongicides contenant de l'EBDC, certains congénères des BPC, les dioxines et les furannes, le cadmium, le plomb, le mercure, les composés d'étain organique, les alkylphénols et les dimères et trimères de styrène. On en identifiera certainement d'autres plus tard.
Certains scientifiques craignent qu'il puisse suffire, pour altérer la santé humaine, d'un exposition moyenne à des concentrations ambiantes de produits chimiques de ces genres. Or, certains de ces produits chimiques ont des usages industriels. Les travailleurs et travailleuses des industries en question subiront vraisemblablement des expositions de beaucoup supérieures à la moyenne à des produits chimiques perturbateurs du système endocrinien.
On sait que les concentrations ambiantes de composés ressemblant aux oestrogènes peuvent causer des malformations congénitales et un vaste éventail d'autres troubles chez les animaux. L'embryon/foetus est particulièrement vulnérable aux changements hormonaux, dont les effets peuvent être immédiats ou larvés (ne devenant détectables que des années après la naissance). Il y a tout lieu de croire que les humains ne sont pas à l'abri de ces effets. Par exemple, on a constaté que les teneurs en nonylphénols (composés de la famille des alkylphénols) de certains cours d'eau et lacs d'Angleterre étaient égales ou supérieures à 15 microgrammes, teneur où il est reconnu que ces composés ont un effet très oestrogénique sur les humains.
Il est probable que se soit amorcé un désastre environnemental qu'on n'a tout simplement pas remarqué jusqu'à présent. Il faudrait soumettre les produits chimiques, et particulièrement les pesticides, à des essais destinés expressément à déterminer leurs effets sur le système endocrinien. De plus, il faut réduire les niveaux de contamination par des produits chimiques qui perturbent l'équilibre hormonal.